Un réseau pour la vie

Ma vie dans un internat en Suisse, découvrir un monde de respect et d'acceptation des différences
Un réseau pour la vie
Par Christophe-Xavier Clivaz  

J'ai eu la chance de passer plusieurs années dans un internat en Suisse où j'ai été entouré de personnes de plus de 120 nationalités. Je voudrais partager avec vous ces moments de bonheur extraordinaires, qui m'ont façonné et m'ont permis de devenir qui je suis aujourd'hui. Je suis heureux de pouvoir partager certains de mes souvenirs d'enfance et de les voir inclus parmi ces histoires.

La décision d'envoyer vos enfants en internat peut induire un sentiment de culpabilité et poser des questions sur votre vie de famille : En tant que père, ne suis-je pas en mesure d'assumer mon rôle ? Pourquoi ne puis-je pas concilier mes activités professionnelles et ma vie privée ?

Ces questions, bien que légitimes, ne doivent pas faire obstacle au fait que permettre à votre enfant de vivre et d'étudier dans un internat suisse sera certainement le plus beau cadeau que vous puissiez lui faire. C'était mon cas, et c'est ce que mes parents ont fait pour moi à la fin des années 1980.

A travers ce cadeau vous donnerez à votre enfant les meilleurs outils pour faire face à une société globalisée, en constante évolution et incertaine.

Un dimanche après-midi de septembre 1989, ma mère m'a conduit de mon village reculé des Alpes suisses à mon internat. Plusieurs heures séparaient ma maison de ma future école. Pendant tout le trajet nous n'avons pas échangé un seul mot, l'autoradio était éteint. Seul le bruit du moteur de la voiture et des roues sur l'asphalte emplissait la voiture. Après une arrivée en toute sécurité, nous avons été accueillis par le directeur de l'internat, un élégant italien parlant anglais avec un accent merveilleux qui m'a rappelé mes dernières vacances à Portofino. Il nous a conduits dans ma chambre. En marchant dans les couloirs menant à ma chambre, je pouvais sentir l'odeur de l'eau de Javel qui avait été utilisée pour nettoyer le sol. Je sentais que le moment de la séparation d'avec ma mère approchait. Après avoir déballé mes affaires et quelques larmes, je me suis retrouvé seul dans un monde inconnu, mais j'étais enthousiasmé par le début de cette nouvelle aventure. J'allais partager ma chambre avec deux autres étudiants, Nishi et Hichem. Moi, qui venais d'un petit village des Alpes suisses, je me suis retrouvé dans une chambre avec un japonais et un tunisien.

La première surprise a été lorsque Nishi a ouvert un paquet que sa mère lui avait envoyé et en a sorti un bol de nouilles "Momofuku Ando". Il ajouta de l'eau bouillante, attrapa des baguettes… cela fut suivi pendant quelques minutes par le son particulier des nouilles se déplaçant entre le bol et les lèvres de Nishi. Je pensais que les spaghettis bolognaise saupoudrés de parmesan étaient les seules nouilles qui existaient, la surprise a été énorme ! Mon deuxième étonnement vint quand Hichem prit son tapis, regarda sa boussole et fit sa prière avant d'aller se coucher… Moi qui pensais que seules les églises existaient comme lieux de culte, là encore la surprise fut grande. Quant à moi, j'ai insisté pour qu'on dorme la fenêtre ouverte afin d'avoir un peu de "brise" car cela me rappelait ma maison...

Au bout de quelques jours, nous avons réalisé que nous allions devoir accepter nos différences et respecter nos cultures et nos traditions. La seule façon de le faire était de les partager entre nous. Nous avons trouvé le « modus vivendi » suivant : Nishi pouvait manger ses nouilles tant qu'il les partageait avec nous. Chaque mercredi, le jour où le colis arrivait, cela devenait notre rituel. Hichem pouvait dire sa prière et je pouvais dormir la fenêtre ouverte tant que nous nous invitions à tour de rôle dans nos pays respectifs. C'est ainsi que mon aventure dans un internat suisse a commencé et c'est lors de ma première semaine d'école que j'ai appris l'importance d'accepter les différences de l'autre pour vivre en harmonie. C'est aussi à ce moment-là que j'ai compris qu'une communauté forte ne peut se construire que sur les fondations de cultures différentes avec le respect comme objectif commun. Cette alchimie, propre aux écoles suisses, permet de tisser des liens qui resteront indéfectibles pour la vie. Preuve en est mon réseau d'amis, pas ceux des réseaux sociaux, mais ceux de mes années d'internat – et mon réseau couvre en effet le monde entier.

Prends soin de toi.

      
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